Quelle est la bonne focale pour imager les planètes ?

Nos clients nous demandent fréquemment quelle est la meilleure focale pour imager les planètes. Plus généralement, quelle Barlow utiliser sachant qu'on a tel ou tel instrument... Dans la suite de cet article, nous ne parlerons pas d'imagerie du ciel profond mais bien uniquement d'imagerie planétaire (et Lunaire)...

La longueur focale à utiliser pour imager les planètes dépend de l'instrument (diamètre) et de la caméra utilisés. Calculer la longueur focale "idéale" permet d'ajuster la focale de l'instrument à l'aide d'une lentille de Barlow afin d'obtenir la meilleure résolution possible, sans dépasser les limites optiques de l'instrument et de la caméra. Autrement dit, l'instrument offre un pouvoir de résolution lié à son diamètre, l'échantillonnage final qui dépend de la focale et de la taille des pixels doit être ajusté en fonction de la résolution. Le théorème de l’échantillonnage de Nyquist-Shannon nous dit que l’échantillonnage doit être entre 2 et 3 fois plus petit que le plus petit détail (la résolution de l'instrument donc).

Le but à atteindre en imagerie planétaire est donc de capturer le plus grand nombre possible d'images avec le bon échantillonnage, sur une durée la plus courte possible, avec le moins de bruit possible et la meilleure plage dynamique possible... Bref une mince affaire !!

Cette focale dépend à priori d'un grand nombre de facteurs (diamètre, type d'instrument, longueur d'onde de référence, caméra, performances du capteur, taille des photosites de la caméra, etc...) mais une fois qu'on aura retourné tous les chiffres un peu dans tous les sens, on peut se poser légitimement la question de trouver une formule simple (bien que nécessairement soumise à caution) ou on voudra utiliser des formules de bouquins et on aura très mal à la tête, sans forcément aboutir à un résultat... au choix...

Plutôt que d'utiliser des données compliquées, nous calculerons le rapport F/D "idéal" pratique. Ce rapport F/D ou rapport d'ouverture est la division de la focale de l'instrument par son diamètre. Il sera intéressant car facile à calculer en fonction de la taille des pixels de la caméra, et permettra de déterminer immédiatement la puissance de la Barlow (si Barlow nécessaire).

Par exemple une question fréquemment posée : avec mon télescope de Newton 200/1000 et ma caméra ASI224, quelle Barlow utiliser ??

Calculer le rapport F/D idéal d'un instrument et d'une caméra donnés permet de trouver immédiatement quelle Barlow utiliser et ce calcul est excessivement simple car il ne dépend plus du télescope mais uniquement de la caméra ! Pour déterminer ces facteurs (assez arbitrairement), nous nous sommes basés sur plusieurs théorèmes de référence et calculs théoriques (résolution optique, échantillonnage, diffraction...) et un grand nombre d'expérimentations et d'images réalisées par nos clients et d'autres astronomes amateurs. Ces études conduisent à déterminer le meilleur rapport d'ouverture efficace possible en obtenant la meilleure résolution et en évitant de faire "exploser" le bruit numérique lié à des poses photographiques courte et trop peu lumineuses (obligeant à monter le gain numérique et donc le bruit)...

Précédemment, nous parlions de rapport F/D "idéal" mais en fait c'est un peu plus compliqué que cela et cette notion déplaisait à certains, aussi nous avons décidé de partir sur un principe de "références" selon l'objet que vous photographiez. On utilisera un simple facteur multiplicatif de la taille des photosites pour obtenir le rapport F/D idéal.

  • Le rapport F/D minimal en imagerie planétaire : F/D = 3 x taille des photosites de la caméra en micron.
  • Le rapport F/D pour l'imagerie solaire H-alpha est : F/D = 3 à 4 x taille des photosites de la caméra en micron.
  • Le rapport F/D pour Jupiter et Saturne est : F/D = 5 x taille des photosites de la caméra en micron.
  • Le rapport F/D pour Mars ou pour la Lune en infrarouge est : F/D = 7 x taille des photosites de la caméra en micron.
  • Le rapport F/D "extrême" à ne jamais dépasser serait : F/D = 8 x taille des photosites de la caméra en micron. (vu sur certains tests d'astram')

Les F/D sont définis pour respecter des critères de résolution optique établis par Dawes, Rayleigh, Nyquist, Shannon etc... puis volontairement et arbitrairement "simplifiés" pour éviter de se faire des nœuds au cerveau. Ils sont donc arbitraires mais ils vous donnent une indication de rapport F/D "idéal" pour tous les types d'instruments et de caméras. Puisque ces formules très simples se basent sur 3 données faciles à connaître que sont la focale et le diamètre du télescope et la taille des pixels de la caméra. Si vous êtes en-dessous : vous ne grossissez pas assez, si vous êtes au-dessus, vous grossissez trop ! C'est aussi simple que ça ! Bien évidemment, plus l'instrument est efficient plus vous pouvez "pousser" en termes de F/D mais au delà de 6, la résolution théorique sera dépassée de toute façon.

On pourra simplifier encore en estimant que pour l'imagerie "planétaire", le F/D doit être situé entre 3x et 8x la taille des pixels de la caméra. Le grossissement "extrême" nous semble par contre relativement inutilisable dans les faits car il nécessite que tout (y compris le ciel) soit parfait... donc des conditions de prise de vue relativement inatteignables, et nous ne pensons pas que ce type de solution permette des images de meilleure qualité. Un ré-échantillonnage pendant le traitement peut apporter un peu plus de résolution là ou un F/D aussi élevé nous semble problématique en termes d'efficacité du rapport S/N.

En fonction de la qualité du ciel (transparence, turbulence...), de votre altitude et de l'altitude de l'objet dans le ciel, et des qualités de votre caméra (certaines sont bien plus performantes que d'autres, ou moins bruitées), vous pourrez faire varier votre rapport F/D (en changeant de Barlow ou en agissant sur le tirage) autour de ces valeurs de référence.

Par exemple, pour une caméra ZWO ASI 462 (photosites 2,9 microns) le rapport F/D idéal sera de (environ) F/10 à F/17. Vous pourrez donc faire évoluer le rapport F/D selon vos conditions du moment et selon l'objet entre ces deux valeurs. Ces valeurs sont adaptées aux instruments les plus courants utilisés par la plupart des astronomes amateurs et dans des conditions "générales" d'un ciel métropolitain.

On en déduit que pour imager les planètes avec une ZWO ASI 462 (pixels 2,9 micron), le rapport F/D idéal devra être établi entre F/9 et F/20 :

  • Pour une solution d'imagerie Schmidt-Cassegrain (F/D=10) + caméra ZWO ASI 462 : on peut donc commencer sans Barlow ! Pour "pousser" davantage par exemple pour Jupiter, on utilisera une Barlow x2 avec un tirage moindre que celui préconisé par le constructeur (par exemple une VIP Baader avec seulement 45mm de tirage (par exemple VIP + ADC Pierro-Astro + petit tube allonge T2 + caméra (tirage interne 17,5mm)
  • Pour une solution d'imagerie Newton (F/D=5) + caméra ZWO ASI 462 : on a besoin d'une Barlow 2,7x APM (et d'un ADC bien sur), ce qui nous donnera directement un F/D situé entre nos 2 bornes et très bien "dosé" pour imager Jupiter, Saturne, Mars et la Lune !

Ces valeurs sont-elle critiques ? Que faire si j'utilise un Mak déjà "fermé" avec un F/D 12 ou F/D 15 ?

Depuis plusieurs années déjà, on constate une amélioration très importante des performances des caméras avec un accroissement des capacités, une diminution drastique du bruit et une amélioration des ADC (convertisseurs analogiques / numériques). On pourra donc tout à fait sur-échantillonner en utilisant une ASI 462 avec un Maksutov un peu trop "fermé". Néanmoins, comme nous l'avons calculé plus haut, un rapport F/D de 15 n'est pas une valeur trop importante ! Si vous comptez utiliser une Barlow avec votre Maksutov (pour augmenter la puissance d'un ADC ou réduire ses aberrations par exemple), une caméra avec des photosites de 5 micron ou plus sera cependant nécessaire.

Sur-échantillonner : est-ce une grave erreur ?

De nombreux essais et articles montrent que sur-échantillonner légèrement l'image n'est pas nécessairement une mauvaise chose, dés lors que la caméra ne perd pas en performances (capteur de qualité, grosse sensibilité, bruit faible...) et qu'on n'est pas obligé de "tirer" sur le gain numérique pour capturer la planète. L'utilisation des modes images avec une plage dynamique plus large (10 bits, 12 bits etc...) permet en outre d'optimiser la qualité d'image en permettant d'obtenir plus de dynamique y compris dans des conditions difficiles. Notez cependant qu'un suréchantillonnage n'assure pas une meilleure résolution finale.

Des astronomes amateurs bien équipés utilisent des solutions avec des rapports F/D jusqu'à 8x la taille des photosites (par exemple F/D 25 avec un IMX 662 couleur) mais c'est vraiment "extrème"...

Quelle barlow conseillez-vous ?

Nos lentilles de Barlow "préférées" sont :

  • La Barlow 2x VIP de Baader : connue et reconnue depuis longtemps comme l'une des meilleures Barlow du marché, avec beaucoup d'accessoires et de facilité de montages photo divers
  • La Barlow 2,7x ComaCorr d'APM : excellente Barlow, idéalement conçue pour les télescopes de Newton dont elle corrige la coma en plus d'établir un grandissement confortable de 2,7x.
  • La Barlow 2x Orthoscopique de Takahashi : cette nouvelle venue offre d'excellentes performances et caractéristiques optiques et mécaniques dans un prix raisonnable, un excellent choix
  • Le FFC Baader : rare et cher, il s'agit là d'une "Barlow" capable de grandissements très importants avec une qualité d'image irréprochable
  • Les lentilles PowerMate de TeleVue : très connues, ces Barlow sont plutôt des extendeurs télécentriques mais elles offrent d'excellentes performances

Il y a de nombreuses Barlow sur le marché et il est difficile de faire un choix. Simplement nous vous recommandons d'éviter les Barlow premier prix qui sont vraiment immondes et n'apportent rien, bien au contraire elles "détruisent" l'image et ne serviront à rien. Si vous souhaitez utiliser une Barlow, pour la photographie, choisissez-la de bonne qualité, autrement c'est un non-sens.

En visuel, nous recommandons les oculaires à focale directement adaptée au grossissement souhaité. Utilisez le moins possible des Barlow en visuel.

Conclusion

Le calcul ci-dessus est valable quelque soit l'instrument et ce, malgré le fait qu'on ne tienne pas compte de l'efficience du capteur ni de l'instrument. C'est avant tout un point de départ pour ne pas construire une solution photo qui ne fonctionnerait pas du tout (F/D 30 avec caméra dont les photosites ferait 2 microns par exemple)..

Il vous permet donc de constituer une chaine d'imagerie autour de laquelle vous pourrez faire des ajustements. Par exemple si le rapport F/D idéal est aux alentours de F/D10 vous pourrez tout à fait imager de F/8 à F/15 selon les performances de la caméra, la turbulence, la qualité du ciel et les nombreux autres facteurs améliorant ou dégradant les performances globales de votre solution d'imagerie.

Notez toutefois que dépasser cette plage de valeurs n'apportera pas plus de résolution à votre image car vous dépasserez le pouvoir de résolution de votre instrument détriment du bruit :-) Au contraire, "tirer" un peu moins sur l'optique pourra permettre des captures plus faciles et qualitatives dans des conditions difficiles de turbulence ou des poses ultra-courtes s'imposent.

Ici comme dans de nombreux domaines la réponse n'est pas triviale et doit nécessairement s'accompagner d'une partie expérimentale, la théorie n'étant là que pour guider dans les grandes lignes le choix des matériels et des assemblages. Une fois à poste, l'astronome amateur ajustera sa solution d'imagerie en fonction de l'objet et des conditions (ciel etc...).

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